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1984 au Playhouse Theatre: Doublepensée élogieuse et effrayée

A première vue, un décor classique. Des meubles en bois, des bibliothèques. Le protagoniste, Winston Smith, est assis en bout de table, un cahier à la main, une lampe éclaire ses pages et projette en même temps sur un écran géant placé en hauteur ce qu’il est en train d’écrire, la date du jour, à savoir le 3 août, il ajoute l’année…1984.

Prolongée jusqu’ au 29 octobre, ce classique est remis au goût du jour par Robert Icke and Duncan Macmillan et par une co-production abyssale : l’Almeida, le Headlong et le Nottingham Playhouse, trois institutions théâtrales. On déconseille aux enfants de moins de 14 ans d’assister à la pièce. C’est curieux, c’est l’âge que beaucoup avaient quand ils ont lu 1984 pour la première fois. Mais on comprend pourquoi. A quelques minutes à peine du début, premier vacarme effrayant, âmes sensibles s’abstenir, il y en aura d’autres ! Le public sursaute, la lumière s’éteint et se rallume presqu’aussitôt en révélant presque tous les comédiens de la pièce. Le ‘film’ peut commencer. Arrêt sur image, retour en arrière, fondu au noir, font partie de la mise en scène de cette pièce absolument saisissante tant elle est actuelle. 1984 est sans doute la plus cinématographique des pièces contemporaines.

La réécriture de l’Histoire et l’adaptation de ce roman d’anticipation est une reconstruction du futur ou du passé, on ne sait plus. La mise en scène est pourtant bien moderne. Sur scène, les téléphones portables dérangent les discussions. De toute façon ‘le passé n’existe pas’. La lumière, le son et la vidéo, respectivement orchestrés par Natasha Chivers, Tom Gibbons et Tim Reid bouleversent l’auditoire tendu jamais à l’abri d’une rupture électrique.

Les plans se succèdent, la répétition de nombreuses scènes perturbent la narration, jouent avec la focalisation du spectateur. Que représente 1984 en 2016 ? Une série de maximes que l’on retient et qui effraient ‘War is peace’, ‘Freedom is slavery’ ‘Ignorance is strength’.

Propagande et déstabilisation. Si Big Brother fait désormais partie de la culture populaire et fait référence à la naissance de la télé-réalité et à son succès, l’Homme moderne est-il vraiment libre face à l’assujettissement de sa présence virtuelle. La remise en question est inévitable. ‘Avec le développement de la télévision et le perfectionnement technique qui rendit possibles, sur le même instrument, la réception et la transmission simultanées, ce fut la fin de la vie privée’ disait George Orwell.

1h40 sans intervalle, la surveillance est omniprésente on s’en doute, le ‘Parti qui gagne’ est détestable mais la torture, le désespoir et la trahison qui défient l’amour de Winston, joué par le talentueux Andrew Gower, et Julia, la pétillante Catrin Stewart, sont insupportables. Le jeu d’acteur est remarquable. Le climat de la pièce est tendu. On se rappelle du roman science-fiction, mais avait-on imaginé une adaptation provocante ? Cette adaptation de 1984 est un refus catégorique de l’indifférence.

@PlayhouseTheatre @London

Photo: Les comédiens de 1984 crédit Manuel Harlan

The cast in 1984 credit Manuel Harlan

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